AGNÈS JAOUI - Cinéroman 2021
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Dimanche 24 octobre, à l'Artistique de Nice, "les différentes Agnès", pour ainsi dire, aussi complémentaires qu'épanouies, ont fait salle comble et ont pu toutes s'exprimer...
L'actrice
Je fais du théâtre depuis l'âge de quatorze ans. La moyenne d'âge étant de vingt, vingt-et-un an. Et je me suis dirigée assez vite vers la comédie. Mais j'avoue : faire des efforts... n'était pas mon fort ! Entre nous, si j'avais pu épouser un prince je l'aurais fait... Pour tout dire, me consacrer à la comédie a été pour moi le moyen le plus rapide pour être aimée. [vérité et modestie, la qualité de son travail étant bien connnue de tous ?]
Je peux confirmer, par delà ces motivations particulières, que le métier d'acteur apporte un immense bonheur grâce aux multiples horizons qu'il permet de connaître. Mais je suis convaincue qu'en général il est compliqué d'être "uniquement" acteur : savoir se diversifier, s'essayer aussi à l'écriture ou du moins pouvoir changer de rythme, participer à des Festivals, est essentiel pour ne pas voir toujours "les mêmes têtes" (dont éventuel collègue ou "petit chef" énervant...), et préserver son équilibre mental.
La chanteuse
Personnellement j'ai toujours fait aussi de la musique. Oui, j'ai même pu fonder trois groupes... J'ai toujous aimé chanter et le partage que cela implique. Étant juive de Tunisie, j'ai baigné avec bonheur dans la musique d'Enrico Macias, par exemple. Chanter signifie respirer, dans tous les sens du terme [Lisez, admirez, et découvrez encore de votre côté !...].
La réalisatrice
Mon passage à l'écriture a été motivé par plusieurs facteurs. Par une grande curiosité intellectuelle, bien sur, mais aussi par la volonté de ne plus attendre que le téléphone sonne... J'ai également très vite ressenti une sensation d'urgence : vous savez, pour toutes les femmes ce n'est pas facile, et pour une actrice (n'ayant pas encore eu l'envie, les capacités ou l'opportunité de s'affranchir derrière la caméra) cela peut être bien plus ardu. En général, il y a un rapport complexe avec la notion de désir, avec laquelle elles sont constamment confrontées dans ce milieu. Il faut gérer son jeu au sens plein : maîtriser les limites de la séduction, ce que l'on veut et ce que, au contraire, l'on refuse clairement. Concrètement, côtoyer une actrice comme Sophie Marceau, plus jeune que moi, m'a toujours donné la sensation, encore une fois en tant que femme, que le temps passe très vite. Après, je peux aussi affirmer sans difficulté que les scènes... enfin, les scènes qui poussent, gratuitement et grossièrement, la sexualité à un degré extrême, ne m'ont jamais enchantée. Pour être tout à fait franche, elles m'ennuient à mourir... et davantage : depuis mon adolescence, je les trouve absolument insupportables.
D'un point de vue personnel, je dois reconnaître que j'ai été relativement épargnée. De même, par la suite je n'ai jamais dû vraiment lutter pour convaincre un producteur sur un de mes films. L'envie d'être réalisatrice était là moins à cause d'une difficulté précise et d'un manque profond de liberté, que pour une envie générale d'aller vers plus d'émancipation. Pour continuer à jouer, le plaisir est désormais dans le besoin de créer mes propres rôles, tout en renforçant mon univers. « La confiance en soi permet d'explorer tous les possibles », comme on dit...
Cela dit, concrètement, on peut confirmer ici une spécificité très française : il est très difficile pour un scènariste de trouver un réalisateur pour son projet de film (et de garder confiance...). Car sur deux cent-vingt films produits, seuls dix ou vingt ne sont pas (co)écrits par leur réalisateur [David Foenkinos, toujous dans le cadre de cette édition, avait précisé être habitué à être son propre scénariste/réalisateur, pour une pleine maîtrise du sujet...].
L'artiste
Adolescente, j'ai connu la solitude. Grâce à ma curiosité, petit à petit je me suis entourée d'art. Cela s'est contruit peu à peu, intellectuellement. On sait combien il est difficile d'être seul avec sa douleur. La musique, la lecture, les films soulagent nos peines. Et je vis tout cela comme un échange, heureuse de rire mais aussi, en quelque sorte, de "pleurer" avec les autres [si simplement dit et si vrai...].
La citoyenne
[Du fond de l'assistance, part une très longue "question" techniquement inaudible mais affectueuse, un livre à l'appui. Après avoir patienté, quelques voix s'élèvent à leur tour presque en chœur, timidement, soucieuses du monde de demain. Quel avenir, quel regard, en contexte de crise ?..].
Oui c'est évident, il faudrait bien pouvoir faire confiance à une personnalité, directement issue du monde politique ou pas, préférablement... un homme ou une femme... de gauche ! [Rires]. Enfin, pour commencer, quelqu'un qui soit sensible, bien sûr, au drame que traversent tous ceux qui migrent vers d'autres rives, au statut nié, maltraitances à part... [Un autre combat, au sujet de l'égalité et de la parité au cinéma, est également rappelé, via le témoignage engagé d'Agnès Jaoui aux assises de l'égalité 2020].
Le souvenir de Jean-Pierre Bacri
Avec Jean-Pierre, nous avions des agacements communs, des indignations et des passions communes. Écrire ensemble s'est toujours fait dans une grande liberté : une vraie bulle d'oxygène. Pour répondre à la question qui vient d'être posée à son sujet, permettant de clore avec émotion et respect cette belle rencontre, je dirais que ses principaux enseignements ont été celui de préserver gentillesse et générosité (ou "goût des autres"...), et de ne jamais se départir de l'honnêteté.
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