LE DEUXIÈME ACTE - Quentin Dupieux
JEU OU RÉALITE ? ET L'I.A DANS TOUT ÇA ?
"Le deuxième acte" offre déjà dans le titre - et à raison ! - quelque chose de suspendu, de non finito ou non achevé, comme on dirait pour ce génie de Léonard. Mais soyons sincères, d'abord (bande annonce à part, originale, sympathique et vraie) : arrivés à la moitié du film, dont on venait de "contempler" les protagonistes sur le tapis rouge cannois (article toujours très complet du "Monde" web, qui a le mérite de rappeler le précédent film du polytalentueux Dupieux, dans nos pages aussi, "Daaaaaalí") - nous avons eu d'abord une forte envie de quitter la salle...
Les dialogues n'étaient pas assez "creusés" pour nous, et dans l'ensemble, l'atmosphère quelque peu cahotique du film se fait bien sentir. Puis les points positifs nous sont apparus et, en revenant aux dialogues, on dit oui d'abord à ce qu'affirme assez triomphalement Guillaume, le grand banquier international (d'un autre genre ?), soit Vincent Lindon. On ne peut qu'être d'accord, même si c'est plus facile à dire qu'à faire... Il s'agit de faire passer ses échecs amoureux, et le souci qu'ils engendrent, après toute l'attention qu'il faut dédier à ce monde en pleine détresse.
Ce qui ne peut que plaire également, c'est cette tentative réussie de mise en abyme, celle du cinéma dans le cinéma, les coulisses dévoilées et surtout la parole jouée qui côtoie la parole (souvent) plate mais vraie, celle de notre quotidien. Un verbiage qui, de plus, hélas, tourne trois fois sur quatre au conflit... Par là même, en outre, cela ouvre la voie - formellement et substanciellement - à un autre genre, où la fiction lutte contre les démons de la réalité. Réalité et construction semblent toujours coexister, sans que l'un des deux univers finisse par avoir réellement le dessus. Mais peut-être nous trompons-nous sur ce point...
Enfin, il faut aller voir ce film pour cet autre aspect, à la fois avangardiste et brûlant d'actualité : la présence de l'Intelligence Artificielle sur les plateaux de tournage... oui, celle qui a suscité outre-Atlantique la grève sans précédent des scénaristes et acteurs, puis de tous les professionnels de cinéma. Jusqu'où ira-t-elle, cette I.A., ce moyen parfois bien utile voire nécessaire ?
Le métier d'acteur, de celui qui se fait humainement autre, contre ou grâce à sa propre nature, qui incarne brillamment un personnage, le proposant comme une personne, à laquelle on croit... et bien, ce métier d'acteur, quel est son avenir ? La machine en lieu et place d'un être humain, ou même la représentation vidéo qui se substitue à la présence en chair et en os d'un metteur en scène, par exemple (comme cela advient dans le film et qui, certes, pourrait être appliqué à plusieurs domaines)... que dire de tout cela ? Un jour nous regrettererons peut-être d'avoir jeté à l'eau nos humbles mais sûres capacités, nos échanges, volontiers plats et conflictuels (parfois même meutriers, mais il nous faudrait une autre page pour commenter le sens de ce qui arrive au pauvre figurant, "dernier et premier" de la bande annonce !), mais pouvant se révéler moins répétitifs, absurdes et bien tristes. Pour conclure, bon film, en nous souhaitant un tout aussi bon avenir...